Pourquoi écrire ?

Posté le 14 avril 2021  

« L’apparition de l’écriture distingue la préhistoire de l’histoire » dit-on ! Tout commence par des mots que l’on exprime, que l’on se raconte de bouche à oreilles. Ils sont de plus en plus vivants à chaque fois qu’ils sont prononcés par d’autres bouches, en particulier par ceux ou celles qui ont été complices activement ou passivement d’un événement.

Un désir
Qu’est ce qui fait qu’un jour alors, on éprouve un désir irrésistible de les écrire ? Peut-être qu’il y a la peur de voir cette tradition orale se perdre dans les coulisses du temps. Ensuite, ces mots risquent de devenir fades, ou pire, frelatés voire imprononçables lorsqu’ils s’essayent dans la bouche de ceux qui par l’effet du temps ne sont plus les témoins vivants de l’expérience vécue. Le tradition orale cède sa place à la tradition écrite.

symbolique
Mais, est-ce le temps, le seul responsable de ce passage ? Il y a certainement beaucoup plus dans ce saut qualitatif du Verbe à la Lettre ! L’écriture discipline, confine, et symbolise. Elle est à la pensée ce que le lit est au fleuve. Elle dompte, en même temps qu’elle se plie et se courbe à la force des idées pour tracer les méandres du fil conducteur. Elle circonscrit sans pour autant circoncire ou étouffer, une imagination parfois débordante qui risque de fausser la réalité. C’est dans ce sens (lacanien) que l’« écrit » est « symbolique », car il se veut un pont entre le « réel » et l’ « imaginaire ». Voilà tout au moins ce qu’il devrait être !

cathartique
L’écriture est aussi cathartique. Sa trace est comme la cicatrice d’une blessure : de la première, celle qui ôte la virginité à cette autre l’avant-dernière qui vous anéanti. La renaissance s’obtient par une nouvelle écriture issue de la relecture. C’est encore par elle que le deuil s’accomplit. Et même lorsque la blessure finale nous emporte, nos écrits deviennent un tout petit segment le long de l’immense ligne du temps.

initiatique
Écrire : c’est dessiner les desseins de sa pensée ; c’est nous libérer de l’emprise du temps ; c’est se donner la distance réelle entre la passion et l’analyse d’un événement ; c’est l’assomption du verbe ; c’est passer du territoire à la carte ; c’est inscrire dans un cadre espace-temps la matrice dans laquelle la parole prend corps.

In fine
L’écriture n’est pas le terme de la parole mais seulement le ressort qui nous replonge dans l’existence.

© Capitaine Ad Hoc